Une dame de 38 ans, G1P1, a fait l’objet d’une laparoscopie diagnostique en raison d’une dysménorrhée progressive et d’une suspicion d’endométriose. En 2016, la patiente a signalé une douleur au niveau du flanc gauche lors de l’ovulation et des règles très douloureuses associées à un malaise général durant 3 ou 4 jours.
L’examen bimanuel a révélé une douleur au niveau des muscles élévateurs. Une rééducation du plancher pelvien a été proposée, ainsi qu’un traitement à base de Daphne Continu®. Une amélioration des plaintes a dès lors été constatée. Mi-2017, elle évoquait toutefois une nouvelle aggravation de la douleur, qui survenait durant les règles lors de l’utilisation continue d’une pilule combinée. La patiente a indiqué une gêne lancinante à gauche dans le bassin. Étant donné la suspicion d’endométriose superficielle, une laparoscopie diagnostique a été réalisée.
Durant l’intervention, un complexe variqueux fortement gonflé a été décelé au niveau de l’ovaire gauche (Figure 1), sans signe de varices au niveau de l’ovaire droit (Figure 2). Une biopsie du péritoine a révélé un tissu conjonctif fibreux sans argument en faveur d’une endométriose. Les varices étant susceptibles d’expliquer la douleur, une embolisation des veines ovariennes a été réalisée. Lors de la procédure, une opacification rétrograde d’une veine ovarique gauche élargie, dupliquée et présentant une insuffisance a été constatée. Une cathétérisation sélective de cette veine a été réalisée à l’aide d’un cathéter cobra, suivie d’une embolisation avec coils de 0,035 (Azur et Nester). Une veinographie de contrôle a révélé une occlusion de cette veine ovarique gauche (Figures 3-5).Aucune insuffisance de la veine ovarique droite n’a pu être démontrée. De même, aucune insuffisance veineuse manifeste liée au plexus veineux péri-utérin depuis la veine iliaque interne n’a été démontrée.
La littérature mentionne l’effet sous-estimé d’un syndrome de congestion pelvienne sur une douleur pelvienne chronique. Dorobisz et al. ont mené une étude portant sur l’embolisation de veines ovariennes présentant une insuffisance et ont constaté une amélioration significative de 100% des plaintes de douleur pelvienne chronique (l’étude comptait seulement 10 patientes) (1). Maleux et al. ont procédé à une embolisation auprès de 41 patientes et ont enregistré un succès initial, en ce qui concerne la diminution de la douleur, de 98% (2). Le suivi a révélé un soulagement des symptômes chez 58,5% des patientes.
À long terme également, des résultats positifs ont été enregistrés (3, 4).
Un lien entre endométriose et varices ovariennes a également été décrit. La réaction de stress oxydant qui survient en présence de varices ovariennes peut perturber le fonctionnement de l’ovaire et jouer un rôle dans
l’apparition d’un processus inflammatoire chronique qui fait partie de l’endométriose (5).
Après son intervention, notre patiente n’a pas connu de douleur pendant un cycle. Ensuite, elle a à nouveau développé du côté gauche des élancements douloureux irradiant vers le bas du dos et le genou gauche, le tout entraînant des vomissements. Apparemment, cette douleur survenait principalement au moment de l’ovulation. Lors des règles suivantes, des pertes de sang très abondantes s’accompagnant de douleurs se sont à nouveau produites. Il est difficile d’expliquer pourquoi notre patiente a connu un répit pendant un seul cycle avant la réapparition des douleurs. L’embolisation a-t-elle eu un effet? Pourquoi n’a-t-il été que temporaire? Étant donné que la littérature mentionne les effets positifs de l’embolisation sur les douleurs chroniques dans le bas du ventre, cela valait certainement la peine d’essayer chez cette patiente.
Nous ne devons toutefois pas oublier que la douleur chronique est un processus complexe pour lequel une solution unique est rarement disponible.
Derniers commentaires
Pierre Frans Remacle
14 septembre 2018Chers Confrères,
C'est avec beaucoup d'attention que j'ai lu votre article et celui-ci m'a rappelé beaucoup de souvenirs.
C'est en effet un gynécologue liégeois, le Dr Emile LECLERCQ, qui, dans les années soixante, a été l'inventeur de la "phlébographie endo-utérine", qui était réalisée à l'aide d'une longue aiguille (avec un stop situé à 8-10 mm de l'extrémité pour éviter les perforations) introduite dans la cavité utérine puis piquée dans le fond utérin après avoir injecté quelques cc de produit de contraste pour repérer la cavité utérine (comme au début d'une hystérographie). J'en avais effectué quelques-unes. Voici les références de l'article princeps :
Bulletin de la Société Royale Belge de Gynécologie-Obstétrique - 1966;36(5):391-402.
[Endo-uterine phlebography].
[Article in French]
Leclercq E.
PMID: 5954110
[Indexed for MEDLINE]
Par la suite, nos amis gynécologues français ont publié plusieurs mises au point concernant les varices pelviennes et leur traitement, notamment :
VEINES ET ALGIES PELVIENNES CHRONIQUES
T. Haag [1], H. Manhès [1]
[1] Polyclinique la Pergola, Service de Gynécologie-obstétrique, 75, allée des Ailes, 03200 Vichy.
Journal des Maladies Vasculaires
Vol 24, N° 4 - octobre 1999
p. 267
Doi : JMV-10-1999-24-4-0398-0499-101019-ART56
Embolisation des varices pelviennes : un traitement de choix ?
F. Lescalie
Clinique Saint-Augustin, 44000 Nantes, France
ournal des Maladies Vasculaires
Volume 38, n° 5
pages 319-320 (octobre 2013)
Doi : 10.1016/j.jmv.2013.07.066
Par la suite, c'est au hasard d'un congrès que j'ai rencontré un chirurgien vasculaire qui m'a signalé un regain d'intérêt pour cette pathologie et voici d'ailleurs une mise au point particulièrement exhaustive (en format pdf) et récente faite lors des JOURNEES FRANCAISES D'IMAGERIE CARDIO-VASCULAIRE DIAGNOSTIQUE ET INTERVENTIONNELLE qui s'est tenue à Deauville en juin 2017 : "Varices pelviennes : luxe ou nécessité" par Céline GODEY.
Bonne lecture pour ce sujet qui reste passionnant 50 ans après la première publication.
Dr Pierre REMACLE
Gynécologue - Liège