Mettre au monde un nouveau-né, durant ce printemps radieux de 2020, était pour de nombreux parents la promesse d’une belle aventure partagée en famille. : visites, soutien de l’entourage, promenades… Là aussi, la pandémie liée au Covid-19 a mis entre parenthèses les rites sociaux que nous connaissions et isolés les jeunes parents. Parmi ces cas de figure, il en est un particulièrement sensible : celui des mères donnant la vie tout en étant infectées par le Covid-19.
Grand pourvoyeur d’entraves aux relations humaines, le Covid-19 touche notamment les jeunes mères qui, infectées, mettent au monde leur nouveau-né. En effet, elles ne peuvent recevoir aucune visite en post-partum –y compris celles du père- et devront durant les premiers jours de vie de leur bébé (correspondant à leur période de contagiosité) observer des mesures de distanciation strictes.
Ainsi, il sera demandé aux mères de porter un masque et de maintenir une distance de 1.5 mètre entre elles et leur bébé en dehors des moments de repas et de soins.
Ces mesures, qui sont le garant de la sécurité par rapport à la transmission du virus de la mère vers l’enfant, sont également un frein potentiel à l’établissement d’un attachement sécure. En effet, les mères peuvent se sentir en difficulté face à leur bébé : entre culpabilité de risquer de lui transmettre le virus et frustration de devoir instaurer une distance, elles se sentent perdues dans leur parentalité.
Dès lors, les équipes obstétrico-pédiatriques de première ligne tiennent un rôle prépondérant dans le soutien et l’établissement de cette « rencontre merveilleuse ».
S’éloigner pour être proches
Cette angoisse et cette culpabilité face au virus et ses conséquences sont finalement l’expression de l’attention et de la bienveillance de la mère vis-à-vis de son enfant : la rassurer sur ce fait la conforte dans sa position de parent. Elle s’éloigne physiquement –et de façon temporaire- de son bébé afin de le mettre à l’abri du Covid-19 et cette notion de protection est essentielle dans la prise en charge de la dyade.
Ainsi, inciter la mère à expliquer la situation à son bébé va permettre d’apaiser cette anxiété et instaurer une relation sereine :
-« Je ne te prends pas aussi souvent dans les bras que je le souhaiterais mais c’est pour éviter que le virus aille vers toi car je t’aime très fort et je souhaite que tu ailles bien. »
- « C’est une période transitoire, quand je serai guérie, on pourra se rapprocher comme on voudra. »
Par ailleurs, le bébé, lui, est naturellement compétent pour entrer en lien avec sa figure d’attachement : Covid-19 ou pas, il a les ressources suffisantes pour interagir avec son milieu : la voix, les sons, la mélodie de l’intonation… tout cela lui permet de réagir et d’être stimulé, d’être… caressé par la voix.
Pour la mère, contempler son bébé dans son berceau, même à distance, lui parler, lui expliquer ses gestes quotidiens, est source de réassurance émotionnelle et y être invitée lui permettra de prendre confiance dans ses propres compétences.
Rappelons toutefois que le besoin de porter son bébé est naturel et physiologique et dès lors il importe de ne pas culpabiliser la mère en cas « transgression » des règles de distanciation mais au contraire, la conforter dans l’idée que cet élan témoigne de son affection envers son enfant. Ainsi reconnu, il lui sera plus facile de contenir momentanément ce besoin de portage.
Des rituels au-delà des gestes barrière
Favoriser les rituels et rythmer la vie de la dyade par des repères est également rassurant dans ce contexte d’isolement : une berceuse, une comptine, une histoire, quelques mots dans sa langue maternelle… tout cela va organiser la vie de ces deux êtres, mêmes tenus à distance. En les initiant, la mère instaure le dialogue avec son bébé, l’appelle à la relation et en y répondant, l’enfant ainsi stimulé, se met en disposition relationnelle.
Plus tard, la pérennité et le souvenir de ces moments privilégiés participeront à la poursuite de l’établissement d’un lien d’attachement de qualité.
Afin de garder un contact, il peut aussi être proposé de déposer dans le berceau de l’enfant un tissu appartenant à la mère et imprégné de son odeur pour autant qu’il ait été porté avant l’infection par le Covid-19 et en respectant les mesures de prévention de mort subite inopinée du nourrisson.
Dans ce contexte, les moments privilégiés de repas et de soins sont d’autant plus précieux et la séparation peut s’avérer douloureuse. Inciter maman à prévenir son enfant lorsque celle-ci s’approche contribue à la rendre plus facile mais permet également à l’enfant d’expérimenter l’alternance séparation/retrouvailles et d’ainsi prendre confiance dans la relation en se réassurant.
Raconter et transmettre pour se rencontrer
L’éloignement physique du père et de la fratrie contribue au sentiment d’isolement. Pour autant il est également possible d’établir une relation précoce avec ces autres membres de la famille : de nos jours, les moyens de communication permettent de partager photos et vidéos qui sont un outil facilitateur du lien dans cette situation. Le père peut ainsi, sur haut-parleur, expliquer son absence par son souci de leur santé à tous deux et verbaliser qu’il se tient prêt à les accueillir à leur retour. De même, il peut raconter une histoire, chantonner, parler à son bébé : autant de moyens de faire des câlins à distance. La fratrie sera également de la partie dans cette rencontre atypique mais créative : encourager la mère à les nommer par leur prénom, à évoquer des anecdotes familiales, à les appeler au téléphone… Cela permettra aussi aux aînés de maintenir un lien avec leur mère et se sentir promotionnés dans leur rôle de « grand ». Les grands-parents et la famille plus élargie pourront eux aussi par la voie des ondes accueillir le nouveau venu et participer à la préparation au retour à domicile.
Bien évidemment, chaque mère –et chaque famille- adaptera ces conseils en fonction de sa propre sensibilité et de sa culture venant ainsi enrichir l’expérience… des soignants.
Au terme de cette aventure particulière, mère et enfant auront tissé un lien chaleureux et riche malgré les obstacles et difficultés, faisant de cette façon un pied-de-nez au Covid-19.