La commission de la Justice de la Chambre a entamé mardi après-midi le débat sur la proposition de loi de la majorité visant à sortir l'interruption volontaire de grossesse (IVG) du Code pénal, une évolution saluée comme une "avancée" par la majorité et le cdH, le reste de l'opposition y voyant au contraire, dans sa formulation, un moyen de "relancer la machine à poursuivre". Le vote interviendra dans la soirée.
Le texte sort l'IVG du Code pénal mais maintient des sanctions pénales pour les médecins et les femmes lorsqu'elle est pratiquée en dehors des conditions. A quelques jours près, et moyennant des conditions particulières, les délais de réflexion et de grossesse autorisant la pratique de l'IVG restent inchangés.
Alors que l'opposition laïque poussait depuis deux ans à la dépénalisation de l'avortement, un accord est intervenu la semaine dernière au sein de la majorité, le CD&V obtenant que sorte également un avant-projet de loi reconnaissant le foetus lors d'une grossesse non aboutie, à partir de 140 jours.
La sortie de l'IVG du Code pénal a été qualifiée mardi de "réforme historique" par le chef de groupe MR David Clarinval. Rappelant que son parti restait attaché à la "liberté de conscience", il a dit, à titre personnel, être prêt à franchir un pas plus loin lors d'une prochaine législature. En attendant, il a appelé l'opposition à se joindre au texte de la majorité.
L'opposition laïque a obtenu qu'un vote intervienne sur sa propre proposition de loi qu'elle estime la seule à dépénaliser l'IVG. S'interrogeant sur le "rôle du parlement", censé envoyer des signaux à la société, mais aujourd'hui pris en otage à la faveur d'un "marchandage" au sein de la majorité, elle a égratigné M. Clarinval qui s'en est remis au bon sens des magistrats pour ne pas pénaliser les femmes. Évoquant les critiques très fortes d'avocats comme Jean-Pierre Buyle (Avocats.be) ou Michèle Hirsch, elle s'est également adressée à la députée Carina Van Cauter (Open Vld) pour dénoncer "l'escroquerie inte llectuelle" opérée par la majorité.
Mme Van Cauter s'est défendue en soutenant que l'accord conclu au sein de la majorité permettait non seulement une sortie de l'IVG du Code pénal mais constituait aussi une véritable dépénalisation pour les IVG pratiquées dans le cadre légal. Par rapport à sa propre proposition de loi, Mme Van Cauter a admis qu'il s'agissait d'un "consensus a minima" qui permettra quand même de sauver 17% des femmes les plus vulnérables confrontées à la nécessité d'un avortement tardif.
La proposition de loi de l'opposition laïque envisageait, outre la sortie du Code pénal, une amélioration des conditions de délai (48 heures de réflexion au lieu de 6 jours, 18 semaines de grossesse au lieu de 12 semaines), la suppression de l'obligation d'informer des possibilités d'adoption.
Parmi ces conditions, la majorité se limite à supprimer l'obligation de constater l'état de détresse de la femme et la suppression de l'interdiction de la publicité pour des produits abortifs. Comme le prévoyait également l'opposition progressiste, elle sanctionne le médecin qui tente d'empêcher un avortement.
"Aujourd'hui, M. Clarinval va porter le nom d'une loi rétrograde. On ne peut que souhaiter que beaucoup de médecins enfreignent la loi pour protéger les droits de la femme contre une loi inique. On savait déjà qu'au MR, il n'y a avait plus beaucoup de libéraux, on commence à se demander s'il y a encore des libres-penseurs", a indiqué Olivier Maingain (DéFI).
"Le maintien de la sanction de la femme est un maintien de la culpabilisation, franchement là, vous ne pouvez pas dire que vous dépénalisez", a estimé Muriel Gerkens (Ecolo-Groen). "La sanction pour le médecin peut se comprendre mais pas dans les conditions infligées par le gouvernement: les médecins ne veulent pas, notamment, informer des conditions d'adoption", a-t-elle ajouté.
Au sein de la majorité, le CD&V a freiné la dépénalisation de l'IVG pendant deux ans. Aujourd'hui, la proposition de loi est le fruit d'un compromis qui assure "la protection de 'la vie qui n'est pas née' et les intérêts de la société", selon Els Van Hoof. Celle-ci a demandé une évaluation de la loi dans les cinq ans.
Elle a été rejointe pas la députée N-VA Valerie Van Peel qui a par ailleurs repris à son compte l'argument de la cheffe de groupe cdH Catherine Fonck, déplorant que les opposants à la dépénalisation soient qualifiés d'obscurantistes. Mme Fonck s'est jointe à la proposition de loi de la majorité, promettant une série d'amendements de clarification. Le débat est monté dans les tours quand elle a reproché au reste de l'opposition d'avoir voulu autoriser ce qu'elle a qualifié d'IVG "pour convenance personnelle".
M. Clarinval s'est défendu des "attaques portées" contre lui, indiquant à M. Maingain que sa proposition, comme celle des autres partis, sanctionnait également les médecins. Au PS, il a reproché de n'avoir pas proposé la dépénalisation de l'IVG depuis le vote de la dépénalisation partielle en 1990.