Le futur gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a inclus, dans sa déclaration de politique générale, la volonté d'inscrire les techniques d'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans le cursus des études de médecine. Il s'agissait d'une revendication portée de longue date par les fédérations de centres de plannings familiaux et les associations féministes, qui saluent unanimement mardi cette avancée.
Jusqu'à présent, les étudiants en médecine n'apprenaient pas les techniques pour pratiquer l'avortement. Seule l'Université libre de Bruxelles proposait un cours facultatif. «Scandaleux» pour la présidente du Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB), Sylvie Lausberg, car il fallait se déplacer à Bruxelles pour bénéficier d'une formation. «Quid du médecin qui pratique à Rochefort par exemple?»
L'absence de formation obligatoire est «un héritage de notre société qui pense l'avortement comme un acte à part», poursuit Mme Lausberg. «On est en train d'arriver à modifier la perception de l'IVG, qui passe d'un délit pénal à un acte de santé publique», se réjouit-elle. Inscrire les techniques de l'IVG était dès lors une de ses revendications, à l'instar des fédérations de centres de plannings familiaux, qui peinent à trouver des médecins acceptant de pratiquer l'avortement.
«L'IVG est un droit fondamental des femmes et pour le faire valoir, il faut des moyens. Trois quarts des avortements sont pratiqués en centres de planning familial qui souffrent d'une pénurie de médecins», pointe Jihan Seniora, coordinatrice de la Fédération des Centres de planning familial des Femmes prévoyantes socialistes (FCPF-FPS). Pour elle, inscrire cette pratique dans le cursus permettra de lui apporter une visibilité mais aussi de «valoriser la pratique de la médecine en centres de planning familial», le gouvernement souhaitant inclure la sensibilisation et la formation au travail dans de tels centres dans le cursus des facultés de médecine.
«Il est clair que de moins en moins de médecins pratiquent l'IVG», renchérit Caroline Watillon, chargée de mission sur cette thématique notamment au sein de la Fédération laïque des centres de planning familial (FLCPF). «De moins en moins de médecins se dirigent vers la médecine sociale et en outre, l'IVG, à l'instar de l'euthanasie, va à l'encontre des principes de la médecine. Un gynécologue veut donner la vie, pas pratiquer l'IVG», témoigne-t-elle.
Mme Seniora espère une mise en œuvre rapide de l'intention gouvernementale, pour pallier une pénurie croissante de médecins, dont la moyenne d'âge croît également à vue d'oeil. Du côté de la FLCPF, on compte 79 médecins pratiquant l'IVG, dont 20 sont âgés de 55 ans ou plus.
Pour Caroline Watillon, une collaboration avec les fédérations de centres de planning familial sera essentielle afin d'élaborer l'enseignement des techniques de l'IVG. «Il faut bien réfléchir à la mise en place», prévient-elle. La question de la technicité est posée, l'avortement étant un geste technique pour un médecin généraliste par exemple, tandis qu'il ne requiert pas une grande technicité de la part des gynécologues. Par ailleurs, «si le délai lors duquel l'IVG est autorisé est augmenté et qu'on en pratique au deuxième trimestre, comme aux Pays-Bas, les techniques diffèrent», illustre-t-elle.
Autre mesure qui remporte les faveurs des associations: la création dans les hautes écoles et universités d'une formation continue interdisciplinaire d'éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evras). Si rien de plus n'est dit dans la déclaration de politique, l'intention est déjà largement saluée.
«L'Evras est essentielle au développement de chaque individu tout au long de sa vie», souligne Mme Seniora. «Il s'agit de donner tous les outils aux jeunes et aux gens en général pour avoir une vie épanouie et fonctionner dans la société.» L'ajout de cette formation est «extrêmement positif car cela devient un enjeu que le gouvernement va vouloir traiter», se réjouit-elle. Il faudra désormais être vigilant à la manière dont cette formation sera mise en place.
«Tous les acteurs de la santé devraient être formés à l'Evras», estime également Sofia Seddouk, référente Evras pour la Fédération laïque des centres de planning familial. «Il faut une réelle formation dans les cursus qui sont restés sur le côté biomédical du métier. La sexualité reste un tabou.»
Cette infirmière de formation témoigne du manque de sensibilisation des professionnels de la santé face à ces problématiques. «Par exemple, quand un patient demande s'il pourra avoir une vie sexuelle après un enlèvement de la prostate, les infirmières ne savent pas répondre. C'est pareil avec les médecins sauf s'ils sont sensibles à la thématique et se sont renseignés.»
Il faudra à présent préciser le contenu de cette formation continue ainsi que le public auquel elle est destinée.
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