En croisant des critères d’efficience et d’accessibilité géographique, le KCE estime que 17 maternités (sur un total national de 104, 34 en Wallonie, 11 à Bruxelles et 59 en Flandre) pourraient fermer leurs portes. Maggie De Block embraie, soulignant qu’en déshabillant Pierre, on va rhabiller Paul. Voilà la liste des petites maternités que les calculs du KCE désignent.
Selon ses experts, il faut au moins 557 accouchements chaque année pour ramener le coût par accouchement dans ces petites entités au niveau de celui des maternités plus efficientes, sans compromettre la qualité et la sécurité des soins. Il prône le relèvement de l’actuelle norme légale de 400 accouchements/an. Quant aux futurs réseaux, ils devraient même viser des maternités en effectuant au moins 900. Quatre des 21 services n’arrivant pas à 557 tireraient toutefois leur épingle du jeu dans le scénario du KCE, car leur suppression imposerait aux patientes plus de 30 minutes de trajet pour aller ailleurs.
«Cette recommandation s'inscrit dans une tendance internationale à l'augmentation de la taille des maternités. L'objectif n'est pas simplement d'économiser de l'argent, mais d'utiliser les ressources du secteur de la santé aussi efficacement que possible», justifie le KCE. La ministre De Block a embrayé sans tarder, dans un registre terre-à-terre: même si parler d'efficacité dans le contexte de la naissance «peut sembler très commercial», dit-elle, réduire le coût sociétal moyen par accouchement va libérer des moyens à investir dans d’autres domaines de soins.
Et la libérale flamande d’énumérer ce qui fait grimper l’addition des dépenses: la mobilisation permanente de personnels, même dans les petites entités, sans pouvoir les affecter là ou on manque de bras (comme en gériatrie) lors des «périodes plus calmes» puisque les naissances ne sont pas planifiables, l’investissement minimum à consentir dans les équipements et infrastructures… Bref, des coûts fixes proportionnellement plus salés pour les petites maternités. Maggie De Block ajoute encore que les grandes structures «peuvent offrir aux (futurs) parents un meilleur cadre avec plus d'expérience et d'expertise». La ministre sortante invite donc «tous les décideurs à collaborer avec le secteur sur ce rapport et de traduire les recommandations en politiques concrètes».
Dans de petits hôpitaux «qui font tout»…
Quelles sont les maternités dont la disparition, selon le KCE, n’occasionnerait pas de problème d'accessibilité? Le sujet est éminemment sensible, le morcellement des compétences entre niveaux de pouvoir n’arrange rien et toute fermeture de maternité aurait des conséquences pour ses employés mais aussi pour ceux d'autres services, comme la pédiatrie. Le KCE glisse d’ailleurs que «des mesures devraient être mises en place pour réembaucher le personnel devenu excédentaire». Après quelques hésitations, l’auteure principale du rapport, l’économiste Carine Van de Voorde, accepte de nous livrer les 17 noms (voir infra). Non sans nuancer: «nous ne disons pas que ces maternités doivent être fermées, mais qu’elles ne répondent pas à notre standard minimal».
«Une partie des petites maternités sont concentrées dans certaines zones», ajoute-t-elle [Hainaut, Flandre occidentale, Flandre orientale…] «et appartiennent à de petits hôpitaux qui offrent tout. Cela ne cadre plus avec une philosophie de réseau. Tous les hôpitaux ne font plus tout. C'est un premier test qui dira s'ils veulent s’y mettre ou non.»
LA LISTE DES MATERNITÉS NE RÉPONDANT PAS AUX STANDARDS | |
St.-Andriesziekenhuis |
Tielt |
AZ Oudenaarde |
Audenarde |
AZ Glorieux |
Renaix |
Algemeen Stedelijk Ziekenhuis |
Grammont (entre-temps fermée, ndlr) |
St.-Vincentiusziekenhuis |
Deinze |
AZ St.-Jan Brugge-Oostende (campus Serruys) |
Ostende |
AZ Delta (campus Menen) |
Menin |
AZ Delta (campus Rembert) |
Torhout |
CHR Mons – Hainaut (Saint-Joseph) |
Mons |
CHU Andre Vésale (André Vésale) |
Montigny-Le-Tilleul |
Centre Hospitalier Régional de la Haute Senne (site le Tilleriau) |
Soignies |
St.-Nikolaus Hospital |
Eupen |
Centre Hospitalier Régional de Huy |
Huy |
Centre Hospitalier Chrétien (clinique Sainte-Elisabeth) |
Heusy |
Centres Hospitaliers de Jolimont, hôpital de Lobbes |
Lobbes |
AZ Zeno (Knokke-Heist) |
Knokke-Heist |
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Ces fermetures en dessous n'étaient-elles pas annoncées depuis près de deux ans ?
— David SIMON (@Freedoc_be) 16 janvier 2020
Pas sur que @elianetillieux sache combien coute un accouchement car c'est certainement pas "accessible financièrement" si on a pas une assurance hospi .... pic.twitter.com/0H5i0FNrwj
— roi des pirates (@roidespirates) 16 janvier 2020
Toujours ce repli sur soin régionaliste saupoudré d’un peu de baronnie agrémentée de clientélisme verdie a l’électoralisme. On veut tout dans notre pays et surtout pas trop cher et sans impôts supplémentaires si possible. Et les études sont mauvaises si elles pensent pas comme ns
— Dr Thomas Orban (@OrbanDoc) 16 janvier 2020
Derniers commentaires
Harry DORCHY
17 janvier 2020Politique électoraliste et maternités
Une fois de plus, en Belgique, certains politiciens, pour des raisons électorales qui n’ont rien à voir avec la qualité des soins, d’ailleurs corrélée à la diminution des dépenses pour l’ensemble des citoyens (donc win-win), veulent maintenir de petites maternités dans leur circonscription électorale. Ont-ils fait réaliser une enquête épidémiologique pour préciser la relation entre l’éloignement des parturientes des maternités et les résultats de périnatalité? Il faut distinguer différents niveaux de soins pour les maternités: type I pour les grossesses sans problème identifié ; type II en cas de besoins de soins de néonatologie ; type III pour les grossesses à risque avec unité d'obstétrique, unité de néonatologie, unité de réanimation néonatale et présence d’un service de réanimation pour adultes.
En France, un rapport de la Cour des Comptes note que sur 681 maternités en 2002, 142 structures effectuant moins de 1000 accouchements par an ont disparu en 2012. En revanche, le nombre de maternités dont l’activité est supérieure à 2000 accouchements est passé de 103 en 2002 à 145 en 2012, soit + 40,7 %. Les établissements dépassant 3 000 accouchements par an ont vu pour leur part leur nombre tripler, passant de 16 en 2002 à 49 en 2012. Celui des maternités réalisant plus de 4 000 accouchements par an a connu la même dynamique et est passé de 5 à 16 sur la même période .
Mais dans plusieurs pays européens, la concentration des naissances est significativement supérieure à celle constatée en France. En 2010, la part des naissances ayant lieu dans des structures réalisant plus de 3 000 accouchements par an était de 51 % en Suède, de 69 % au Royaume-Uni et en Irlande et de 71 % en Islande contre 23 % en France. Le Royaume-Uni, dont la population et le nombre de naissances sont proches de ceux de la France, ne compte que 316 maternités qui réalisent en moyenne 2 500 accouchements par an. La réorganisation des maternités mise en place en Suède en 1967 a conduit à ne conserver que 18 maternités pour 160 000 naissances par an, qui effectuent en moyenne 6 500 accouchements, l’activité de certains établissements atteignant 10 000 accouchements par an !