Les parturientes se verraient prescrire un nombre trop élevé d’examens (échographies, tests de biologie clinique). «Il faut démédicaliser la grossesse», recommandent les Mutualités libres en se basant sur une étude réalisée auprès de 19.500 femmes. Qu’en pensent les gynécologues? Réaction de Michel Masson (Absym, GGOLFB).
Les Mutualités Libres (MLOZ) ont analysé la totalité des prestations médicales dont ont bénéficié 19.500 femmes ayant accouché en 2013, depuis le début de la grossesse jusqu’à 3 mois après l’accouchement. L’organisme assureur dresse une série de constats.
«Certains examens sont réalisés à plusieurs reprises sans tenir compte des facteurs de risques de la maman (âge, diabète, hyperthyroïdie…)», souligne la mutuelle. «Ainsi, 1 femme sur 2 subit jusqu’à 5 échographies sur toute sa grossesse, ce qui est très supérieur aux recommandations du KCE. Selon le Centre fédéral d’expertise des soins de santé, seules deux échographies sont "vraiment nécessaires": au début et à la mi-grossesse. Et comme l’avait souligné l’Agence Intermutualiste dans un rapport sur le suivi prénatal en Belgique, "on ne dispose pas de preuves suffisantes pour recommander une échographie de routine après 24 semaines de grossesse" (3e échographie).»
En se basant sur sa longue pratique personnelle, le Dr Michel Masson, membre de la Commission mono-spécialisée de l’Absym de la cellule de défense professionnelle du GGOLFB, rappelle qu’il faut distinguer 2 types d’échographies: celle que les parents demandent pour voir leur enfant et qui n’est pas encodée et celle, encodable, qui se justifie par une suspicion de pathologie gravidique. «Face à un retard de croissance, il faut absolument vérifier que la courbe ne s’aplatit pas et que le doppler reste correct afin de pouvoir laisser l’enfant in utéro. Ce qui est la meilleure solution. Par le passé, on ne disposait pas de ce type de technologie. Maintenant qu’elle est bien documentée, on réalise un certain nombre d’examens qui expliquent les bons taux de natalité et les faibles taux d’handicaps que l’on connaît dans notre pays.»
Plus surprenant, l’étude des MLOZ révèle qu’1 femme sur 4 ne subit pas d’examen de dépistage du virus du sida. «Ce résultat m’étonne», réagit le Dr Masson. «C’est incompréhensible. Il est logique de dépister le sida ainsi que de rechercher l’immunisation et l’absence d’hépatite B active. Réaliser un test pour la syphilis se justifie aussi en raison de la recrudescence de cette maladie.»
Quid de la responsabilité?
Les Mutualités libres adhèrent à la recommandation faite par l’OMS de démédicaliser la grossesse. «La majorité des femmes vivent des grossesses à faible risque, il est donc parfaitement possible de démédicaliser cette période, notamment par un usage plus rationnel des consultations et des examens complémentaires, dont certains tests de biologie clinique. Cela aura par ailleurs aussi un impact bénéfique sur les finances publiques.» En faisant référence à une étude réalisée récemment par les gynécologues belges (lire Le Spécialiste N°78), Michel Masson souligne que ses confrères ne se déclarent pas opposés à la délégation d’un certain nombre d’accouchements eutociques à une sage-femme. «Le problème c’est qu’il y a des dystocies prévisibles et d’autres qui arrivent comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Et c’est là que risquent de commencer les discussions médico-légales autour de la responsabilité des gynécologues et des accoucheuses et, avant cela, les problèmes d’anoxie grave chez le nouveau-né.»
Moins de césariennes
L’organisme assureur propose aussi de réduire le nombre de césariennes à un taux inférieur à 20%, plus proche des recommandations internationales. Il est actuellement de 22% et grimpe même à 25% pour les femmes de plus de 35 ans. «Il ne faut pas oublier lorsqu’on pointe cette hausse du nombre de césariennes de tenir compte de l’aspect médico-légal», nuance le Dr Masson. «On peut encore compter sur les doigts les gynécologues qui ne font pas de césarienne lorsque l’enfant se présente en siège. Devant les tribunaux, on reproche souvent aux gynécologues de ne pas avoir réalisé une césarienne, jamais d’en avoir réalisée une jugée abusive. Les ministres de la Santé publique recommandent depuis des années de réduire le nombre de césariennes mais ce n’est pas eux qui devront répondre de leurs actes devant un tribunal!»
Le Dr Masson souligne également qu’en raison du recours à la péridurale les gynécologues en formation sont beaucoup moins préparés que leurs aînés aux diverses manœuvres qui peuvent devoir être mises en œuvre lors de l’accouchement naturel. «Les médecins en formation s’exercent désormais sur des mannequins. Or, il y a une différence entre l’apprentissage in vivo et l’apprentissage avec un mannequin pour l’extraction d’un enfant.» Le gynécologue liégeois reconnaît aussi que la césarienne est plus planifiable qu’un accouchement naturel. «En outre, il y a de plus en plus de parturientes qui demandent une césarienne parce qu’elles craignent de souffrir par voie naturelle. Elles sont aussi plus nombreuses à réclamer la péridurale. Maggie De Block s’en étonne. Faut-il sacrifier le confort de la parturiente et estimer, comme autrefois, que la patiente "n’a qu’à souffrir"? Ce n’est pas acceptable.»
Enfin, pour Michel Masson, les autorités doivent éviter des comparer les statistiques belges avec celles de l’OMS. «Les pays repris dans ces statistiques sont souvent moins développés sur le plan médical que la Belgique. Veut-on les mêmes scores de néo-natalité et de mortalité que ceux des pays auxquels on nous compare?»